Blog Fiscalité du patrimoine

Les charmes discrets de la fondation privée belge

En 2008, Bernard Arnault a créé une fondation belge « Protectinvest » destinée à « protéger les intérêts de ses enfants » après son décès.

1. La fondation privée belge

La fondation est une personne morale sans membres, établie par un ou plusieurs fondateurs et gérée par un ou plusieurs administrateurs.

Le patrimoine qu’ils apportent à la fondation doit être affecté à la poursuite d’un but désintéressé.

Ce but désintéressé peut être de préserver et/ou protéger le patrimoine familial mobilier (une collection d’art) ou immobilier (un bien immobilier à usage familial), l’aide économique aux membres d’une famille ou à des tiers, le soutien aux besoins d’un enfant atteint d’un handicap, ou l’attribution de bourses d’études aux enfants et petits-enfants.

La fondation ne peut distribuer ni procurer, directement ou indirectement, un quelconque avantage patrimonial à ses fondateurs, ses administrateurs ni à toute autre personne sauf si cela s’inscrit dans le cadre de son but désintéressé.

1.1. Gestion de la fortune sans droits de succession

Toutefois, si le but de la fondation est d’aider économiquement les membres d’une famille, cette aide peut se matérialiser par la création de subsides ou de bourse d’études, de prise en charge de certains frais de scolarité…

Une famille qui héberge une partie de sa fortune dans une fondation privée peut financer un nombre de dépenses énumérées dans l’acte constitutif : achat d’une maison, d’une voiture, des formations,… jusqu’à une allocation pour couvrir des frais médicaux et des funérailles.

Les montants versés aux bénéficiaires de la fondation privée dans le cadre de la réalisation de ses activités ne sont soumis à aucun impôt.

1.2. La certification d’actions

La fondation est souvent utilisée comme un bureau d’administration. Combinée avec la technique de la certification d’actions, elle permet d’assurer la continuité d’une société familiale.

Les actions de la société sont apportées à la fondation qui émet des certificats de dépôt d’actions dont les parents font don aux enfants. La fondation s’engage à reverser aux titulaires des certificats les revenus produits par les actions certifiées.

Ceci permet un démembrement entre la propriété juridique (le contrôle par le droit de vote) dans la fondation et la propriété économique (les revenus) des actions : la gestion de la société reste aux mains des parents, tandis que les revenus sont transmis aux détenteurs de certificats de dépôt (les parents ne se réservent aucun usufruit).

Ce démembrement de la propriété permet d’éviter non seulement les droits de succession, mais également un transfert abrupt à la génération suivante.

2. Régime fiscal de la fondation privée

2.1. Transmission de biens à la fondation

Lorsque des biens meubles ou immeubles sont transférés par une personne physique à une fondation privée, les taux des droits de donation ou de succession suivants s’appliquent :

Les droits de donation sont dus si la donation doit être enregistrée. Cela est le cas en cas de transfert lors de la constitution de la fondation. Pour des transferts après la constitution au moyen d’un virement bancaire (ou d’un don manuel), aucun droit de donation ne sera perçu lors de l’opération.

Toutefois, si l’apporteur ou le donateur décède endéans les cinq ans (trois ans en Région de Bruxelles-Capitale) la fondation sera redevable des droits de succession sur la valeur des biens apportés sans droits de donation. Sinon, aucun droit de succession ne sera dû.

En pratique, de nombreuses fondations sont constituées avec des montants réduits. Par la suite, le fondateur transfère des montants plus conséquents par virement bancaire, en exonération de droits de donation.

2.2. Impôt sur les revenus

Une fondation n’est pas soumise à l’impôt des sociétés, mais à l’impôt des personnes morales.

Elle n’est imposable que sur un nombre limité de ses revenus. Le régime fiscal est plus ou moins similaire à celle des personnes physiques : les revenus imposables sont imposés sur base du revenu cadastral, les dividendes et intérêts au taux fixe de 30%, et les plus-values sont exonérées.

En ce qui concerne les distributions effectuées par la fondation, la fondation ne peut octroyer aucun avantage financier au fondateur, aux administrateurs ou à toute autre personne, sauf dans le cadre de la réalisation de son but désintéressé. De telles distributions sont exonérées pour le bénéficiaire.

2.3. Taxe compensatoire des droits de succession

Une taxe sur le patrimoine a été introduite pour compenser la perte des droits de succession « par génération » sur le patrimoine apporté. Cette taxe est due annuellement et se calcule sur l’ensemble de ses actifs au 1ier janvier de chaque année à un taux progressif :

Sur la première tranche de 50 000 € : 0%
Sur la tranche de 50.000 à 250.000 € : 0,15%
Sur la tranche de 250.000 à 500.000 € : 0,30%
Au-dessus de 500.000 € : 0,45 %.

2.4. Taxe sur les comptes-titres

Une fondation privée est également à la taxe annuelle sur les comptes-titres de 0,15% lorsqu’elle détient un compte-titres d’une valeur qui dépasse à 1.000.000 €.

3. Fin de la fondation

Le conseil d’administration de la fondation ne peut pas décider la dissolution de la fondation. Seul le tribunal peut prononcer la dissolution d’une fondation privée. La dissolution ne peut être dissoute que dans certains cas bien spécifiques prévus par la loi : lorsque son but a été réalisé, lorsque sa durée est venue à échéance, ou lorsque la condition résolutoire expresse prévue dans les statuts est accomplie.

En principe, les statuts de la fondation déterminent le sort qui sera réservé aux actifs restants en cas de dissolution de la fondation. Les statuts peuvent stipuler qu’en cas de dissolution les actifs reviennent au fondateur ou à ses héritiers, mais seulement moyennant le respect de conditions juridiques strictes. Une telle disposition n’est pas impensable si le but désintéressé comprend par exemple la prise en charge d’un enfant handicapé et que cet enfant venait à décéder.

Si le patrimoine restant revient au fondateur, il sera en principe exonéré d’impôt. Si le patrimoine restant est distribué aux héritiers du fondateur, les droits de succession seront en principe dus selon les taux applicables en fonction du lien de parenté qui existe entre le fondateur et les héritiers.

Les statuts de la fondation Protectinvest prévoient que la fondation était constituée jusqu’au 31 décembre 2023. Elle n’a toujours pas été dissoute.