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Amiante : l’employeur ayant commis une faute inexcusable peut-il se retourner contre l’Etat ?

Une société spécialiste de l’amiante béton condamnée pour faute inexcusable ne peut pas se retourner contre l’Etat si, avant 1977 elle n’a pas pris de mesures de protection de ses salariés et, à partir de 1977, n’a pas respecté la réglementation sur les poussières d’amiante.

  • CE 26 mars 2018, n° 401376.

L’Etat est responsable du fait des fautes commises dans l’exercice de ses pouvoirs de police de l’hygiène et de la sécurité au travail et de la santé publique (CE 3-3-2004 n° 241150, 241151, 241152 et 241153 : RJS 5/04 n° 634). L’employeur peut donc se retourner contre l’Etat même s’il a lui-même commis une faute inexcusable au sens de la législation de sécurité sociale (CE 9-11-2015 n° 359548 et n° 342468 : RJS 1/16 n° 90). Les conditions de mise en jeu de cette responsabilité diffèrent néanmoins selon que l’Etat a ou non édicté des mesures de protection des salariés.

Les premières mesures de protection des salariés exposés à l’inhalation de poussières d’amiante ayant été prévues par le décret 77-949 du 17 août 1977 les conditions de mise en jeu de la responsabilité de l’Etat pour les maladies liées à cette inhalation diffèrent pour les périodes antérieures et postérieures à l’entrée en vigueur de ce texte.

Avant 1977, l’employeur ne doit pas avoir délibérément commis une faute particulièrement grave.

Dans le cas où il a délibérément commis une faute d’une particulière gravité l’employeur ne peut se prévaloir de la faute que l’administration aurait elle-même commise en négligeant de prendre les mesures qui auraient été de nature à l’empêcher de commettre le fait dommageable. Ce principe dégagé en 2015 par le Conseil d’Etat (CE 9-11-2015 n° 359548 et n° 342468 : RJS 1/16 n° 90), est réaffirmé par l’arrêt du 26 mars 2018.

Dans cette dernière espèce, la société principale entreprise du secteur de production d’amiante-ciment en France avait, dès avant l’entrée en vigueur du décret du 17 août 1977, une connaissance particulière des dangers liés à l’utilisation de l’amiante et n’établissait pas avoir pris de mesure particulière de protection individuelle et collective de ses salariés. Elle est donc considérée comme ayant commis une faute d’une particulière gravité faisant obstacle à ce qu’elle puisse se prévaloir de la faute de l’administration.

A partir de 1977, l’Etat n’est pas responsable si l’employeur n’a pas respecté la réglementation.

Pour la période postérieure à l’entrée en vigueur du décret du 17 août 1977, l’employeur ne peut agir contre l’Etat que s’il établit que la maladie professionnelle développée par l’un de ses salariés trouve directement sa cause dans une carence fautive de l’Etat.

Dans l’espèce du 26 mars 2018, la société n’établissait pas avoir respecté la réglementation édictée par ce décret : elle n’établissait pas avoir mis en place de système d’aspiration efficace ni avoir fourni des masques pour les salariés exposés ponctuellement. Elle n’était donc pas en mesure d’établir que la maladie professionnelle développée par son salarié trouvait directement sa cause dans une carence fautive de l’Etat. La responsabilité de ce dernier ne pouvait donc pas être engagée.

Source : Editions Francis Lefebvre 2018