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Etude : les expositions des salariés du privé aux risques professionnels sont contrastées

Les expositions des salariés du privé aux contraintes physiques ont baissé entre 1994 et 2017, à l’exception du bruit, dévoile la Dares le 9 septembre 2019, lors de la présentation des premiers résultats de l’enquête Sumer (Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels) 2017.

Mais l’exposition à un produit chimique concerne encore un tiers des salariés et celui à des agents biologiques a augmenté.

Explications

Comment ont évolué les expositions des salariés du secteur privé aux risques professionnels sur les 20 dernières années ? Est-ce que les contraintes organisationnelles continuent de s’intensifier ?

Quelle perception ont les salariés de leur travail en 2017 et comment a évolué la prévention ? Ce sont les axes de réflexion de la Dares à travers l’enquête Sumer 2017, présentée le 9 septembre.

Diminution des contraintes physiques mais hausse de l’exposition au bruit

Premier constat : les contraintes physiques sont en baisse, mais restent à des niveaux élevés. Par exemple, la contrainte physique du travail debout de longue durée a reculé : la position debout ou le piétinement de 20 heures ou plus par semaine est en baisse sur

l’ensemble des salariés (de 28,4 à 21,2 points entre 1994 et 2017). Un chiffre qu’il convient toutefois de nuancer :

il diminue, certes, de 33,9 à 21,9 points dans l’industrie mais augmente de 24 à 37 points dans l’agriculture. Par ailleurs, il baisse dans toutes les catégories socioprofessionnelles sauf pour les employés administratifs (de 2,3 à 3,1 points).

Si les contraintes physiques baissent, l’enquête montre que le bruit fait exception.

L’exposition à des nuisances sonores progresse (de 27,4% à 31,6% entre 1994 et 2017), dans tous les secteurs d’activité mais avec un pic dans la construction (de 46,3 à 64,8 points) et pour les ouvriers qualifiés (de 48,4 à 67,5 points). Seul le secteur de l’agriculture connaît une diminution (de 46,9 à 36,7 points), tandis que celui des cadres et professions intellectuelles supérieures progresse (de 10,5 à 13,1 points).

On peut en déduire que les nouvelles générations de tracteurs sont moins bruyantes qu’il y a 20 ans et que les cadres des métropoles travaillent, pour la plupart d’entre eux, dans des open space au bruit de fond continuel.

Exposition aux agents chimiques en baisse dans l’agriculture et l’industrie

En 2017, un tiers des salariés est exposé à au moins un produit chimique (carburant, huiles synthétiques, fumées de soudage, etc.), avec une hausse constatée entre 1994 et 2003 et une baisse entre 2003 et 2010. Cette évolution se retrouve dans tous les secteurs d’activité, même si, dans l’agriculture où 34% des professionnels sont exposés à au moins un produit chimique, la baisse est constante (15 points) depuis 1994. Cette diminution peut s’expliquer par la prise de conscience des conséquences des pesticides pour les agriculteurs.

Dans l’industrie, autre secteur utilisant des produits chimiques, la baisse est tangible depuis 1994 (de 43,6 à 37,6 points) avec, comme dans l’agriculture, une hausse importante jusqu’en 2003, ce qui pourrait laisser supposer que la prise de conscience s’est faite à ce moment-là.

En revanche, les expositions dans la construction restent élevées (58% des salariés), avec une progression de 3% depuis 1994 et un sommet atteint en 2003 avec deux tiers des personnes du secteur concernées.

Quant au secteur des services, il voit son nombre de salariés exposés à des produits chimiques progresser (de 25% à 29%). « Le développement important de professions comme agents de nettoyage ou aides à domicile, aides ménagères, travailleuses familiales peut expliquer cette évolution. Les salariés du tertiaire sont exposés principalement à des tensioactifs (pour 11% d’entre eux), à l’eau de javel (7%) et des alcools (7%) », expliquent les auteurs de l’enquête Sumer. Ce sont toutefois les ouvriers (qualifiés ou non) qui restent les plus exposés à un produit chimique.

La multi-exposition à au moins trois produits chimiques concerne 15%des salariés en 2017 (+ 2% depuis 1994). Même si elle diminue fortement dans l’agriculture (de 20,6% à 9,3%), cette exposition à des produits nombreux augmente de manière importante pour les ouvriers qualifiés (de 22,1% à 32,7%).

10% des salariés restent exposés aux risques cancérigènes

L’enquête indique aussi que les expositions à au moins un produit cancérigène ont certes baissé entre 2003 et 2017 (de 13,8% à 9,7%), mais concernent plus de 1,8million de salariés — soit 10% du total. Le secteur le plus concerné est celui de la construction (31%) et la catégorie

socioprofessionnelle qui ressent le plus cet impact est celle des ouvriers qualifiés (30%). « Le nombre de salariés exposés au perchloroéthylène et au trichloroéthylène diminue fortement, en lien avec les évolutions réglementaires et technologies, dont la suppression du perchloroéthylène dans les pressings », indique la Dares.

L’étude met également en avant une meilleure évaluation du risque biologique : en 2017, 19% des salariés sont exposés à au moins un risque biologique (9 points de plus qu’en 1994).

Cette augmentation s’explique notamment par la pandémie grippale de 2009 qui a conduit à une sensibilisation aux repérages des risques biologiques, ainsi que par la professionnalisation de certains métiers (services à la personne avec nouvelles mesures d’hygiène comme le port systématique de gants par exemple).

Maintien d’un niveau élevé d’intensité du travail

Les évolutions des expositions physiques, chimiques et biologiques s’inscrivent, selon la Dares, « dans un contexte organisationnel très contraint ». Les durées longues de travail (40 heures ou plus) concernent 18% des salariés en 2017, contre 29% en 1994, une baisse qui se

vérifie dans tous les secteurs et dans toutes les catégories socioprofessionnelles sans exception (moins 20 points en 20 ans pour les cadres, qui restent néanmoins les plus concernés). L’étude montre aussi que depuis 2003, la plupart des salariés travaillent davantage que l’horaire prévu, à l’exception du secteurtertiaire, des professions intermédiaires (de 30,6% à 30,5%) et surtout des cadres (de 57,5% à 47,7%) qui restent, une fois encore, les plus impactés.

Le travail le dimanche ou les jours fériés, même occasionnellement, a progressé (de 30,2% à 33,6%, dans tous les secteurs et dans toutes les catégories, en dehors des professions intermédiaires).

L’étude montre donc que les contraintes de rythme ont légèrement diminué entre 2010 et 2017, mais restent à un niveau élevé. La proportion de salariés dont le rythme de travail est imposé par une demande extérieure obligeant à une réponse immédiate reste élevée : 56%, soit plus d’un salarié sur deux (contre 50% en 1994).

Le contrôle ou le suivi informatisé est en revanche en nette progression : de 14,5% en 1994, il atteint 32,1% en 2017. Ce sont les professions intermédiaires qui sont les plus concernées (de 19% à 41% en 20 ans) et le secteur de la construction n’y échappe pas (de 4,2% à 14,6%). Par ailleurs, les salariés ont le sentiment que la quantité et l’intensité du travail qu’on leur demande a augmenté entre 2003 et 2017. Ils sont les deux tiers à estimer qu’on leur demande « de travailler très vite » (en hausse de 3 points), 35% à juger que leur tâche est excessive (en augmentation de 4 points) et 30% à juger qu’ils n’ont pas le temps nécessaire pour faire correctement leur travail (chiffre stable).

Enfin, l’enquête montre une diminution des risques psychosociaux : en 2017, 15% des salariés déclarent subir des comportements hostiles sur leur lieu de travail, contre 22% en 2010. Cette baisse concerne aussi bien les « comportements méprisants » (en baisse de 5 points) que le « déni de reconnaissance » (en diminution de 4 points). Tous les salariés sont concernés, quels que soient la catégorie socioprofessionnelle et le secteur d’activité — hormis l’agriculture. La tension au travail (« job strain ») se maintient toutefois à un niveau élevé puisqu’elle concerne près d’un tiers des salariés.

Source : Article réalisé par le Fil AFP-Liaisons sociales - DARES, Analyses n° 041, septembre 2019