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LES FRAIS D’UNE EXPERTISE CHSCT ANNULEE INCOMBENT ENCORE A L’EMPLOYEUR... POUR L’INSTANT

Jusqu’alors la loi - bien que déclarée inconstitutionnelle- oblige l’employeur à prendre en charge les frais d’une expertise même annulée diligentée par le CHSCT. Le projet de loi « Travail », actuellement en cours de discussion devant l’Assemblée Nationale, pourrait remédier à cette situation.

Pour mémoire, en cas de risque grave, de projet important modifiant les conditions de travail ou conduisant à une restructuration ou à une compression des effectifs, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé afin de l’aider à rendre un avis éclairé. Toutefois, cette faculté offerte aux représentants du personnel n’est pas neutre, au plan financier, pour l’employeur puisqu’aux termes de l’article L. 4614-13 du Code du travail, les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur.

Or, s’il est concevable que les frais liés à l’analyse d’un projet important mis en œuvre dans l’entreprise ou d’un risque grave menaçant la santé ou la sécurité des salariés incombent à l’employeur, cette obligation est particulièrement controversée lorsque l’expertise diligentée par le CHSCT s’avère injustifiée. Pour autant, la Cour de cassation considère qu’il appartient à l’employeur de payer les frais d’expertise, quand bien même la délibération décidant le recours à un expert est annulée par le juge (Cass.soc. 15 mai 2013, n° 11-24.218).

Cette jurisprudence rend l’employeur débiteur de tous les frais d’expertise, indépendamment de la régularité ou de l’opportunité du recours à un expert.

Le Conseil constitutionnel a finalement invalidé l’article L. 4614-13 du Code du travail, qui reste toutefois encore en vigueur, la date d’effet de l’abrogation ayant été reportée au 1er janvier 2017 (Conseil Constitutionnel 27 novembre 2015 QPC n° 2015-500). Ce délai vise à permettre au législateur d’adopter de nouvelles dispositions conformes à la Constitution. Le Gouvernement a saisi l’opportunité de la discussion de la loi « Travail » pour tenter de remédier à cette inconstitutionnalité.

Aux termes du projet de loi « Travail », le principe de la prise en charge des frais d’expertise par l’employeur demeure, sous réserve de l’annulation définitive de l’expertise par un juge. En cas d’annulation, il appartiendrait à l’expert de rembourser les sommes indûment perçues. Cependant, le CHSCT ne serait pas pour autant totalement démuni car le Comité d’entreprise pourrait proposer d’assumer les coûts de l’expertise annulée dans le cadre de son budget de fonctionnement.

Dans l’intervalle et tant que ces dispositions ne seront pas en vigueur, la Cour de cassation a confirmé que les employeurs demeuraient tenus de prendre en charge les frais attachés à une expertise même annulée, jusqu’au 31 décembre 2016 au plus tard.

  • Cass. soc. 15 mars 2016, n° 14-16.242