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Une publication sans anonymisation des documents administratifs : le décret n° 2018-1117 du 10 décembre 2018 précise les catégories de documents administratifs concernés

Les administrations, y compris les personnes privées chargées d’une mission de service public, ont la possibilité de rendre publics les documents administratifs qu’elles produisent ou reçoivent (article L312-1 du Code des relations entre le public et l’administration). Jusqu’à l’adoption de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique, les documents administratifs comportant des données personnelles ne pouvaient faire l’objet d’une réutilisation, que si la personne concernée y avait consenti, si l’administration était en mesure de les rendre anonymes ou, à défaut d’anonymisation, si une disposition législative ou réglementaire le permettait.

L’article 6 de la loi précitée permet dorénavant aux administrations de publier en ligne des documents administratifs sans les anonymiser [1], sous réserve de respecter des modalités d’application qu’est venu fixer le décret n° 2018-1117 du 10 décembre 2018, entré en vigueur le 13 décembre 2018 pris après avis de la CNIL.

Désormais l’article D312-1-3 du CRPA dispose que : « Les documents et informations mentionnés aux articles L. 312-1 ou L. 312-1-1 et qui sont communicables ou accessibles à toute personne, sous réserve des articles L. 311-5 et L. 311-6 et d’autres dispositions législatives ou réglementaires en vigueur, peuvent être rendus publics sans avoir fait l’objet du traitement prévu au deuxième alinéa de l’article L. 312-1-2, lorsqu’ils relèvent de l’une des catégories suivantes… ».

  • Les catégories de documents administratifs concernés
    Le décret précise les catégories de documents administratifs pouvant être rendus publics sans faire l’objet d’un processus d’anonymisation. Sont notamment visés, la liste n’étant pas exhaustive :
  • les organigrammes et annuaires des administrations, y compris des organismes privés investis d’une mission de service public ;
  • le répertoire national des associations, le répertoire des entreprises et de leurs établissements dans leur intégralité ;
  • les annuaires des professions règlementées (notaire, avocat, huissier de justice et architecte) ;
  • les résultats obtenus par les candidats aux examens et concours administratifs ou conduisant à la délivrance des diplômes nationaux ;
  • les conditions d’organisation et d’exercice des activités sportives ;
  • le répertoire national des élus ;
  • les conditions d’organisation et d’exercice des activités touristiques.
    Mais les adresses de messagerie électroniques non génériques et les coordonnées téléphoniques directes doivent toujours être occultées.

Le décret autorise cette publication sous réserve de respecter les dispositions des articles L311-5 et L311-6 du CRPA. Cela signifie que les interdictions de publier en ligne des informations relevant de secrets légaux demeurent maintenues (secret de la défense nationale, secret médical, secret des affaires, par exemple).

A cette première condition, s’ajoute le nécessaire respect des principes de protection des données personnelles.

  • Le respect des principes de protection des données

Conformément à l’article L322-2 du CRPA, la réutilisation des informations publiques comportant des données personnelles est subordonnée aux principes de protection des données, c’est-à-dire au RGPD et à la loi Informatiques et Libertés modifiée par la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018.

L’utilisateur des données personnelles contenues dans les documents administratifs visés par le décret du 10 décembre 2018 devra veiller à respecter les principes de protection des données personnelles dans la mesure où, en réutilisant ces données, il réalise alors un nouveau traitement de données personnelles, dont il devient responsable.

La réutilisation possible des documents administratifs pour d’autres finalités doit ainsi s’effectuer dans la transparence.

Par exemple, la publication des annuaires des avocats, huissiers de justice ou encore des architectes permettra de créer des annuaires et agendas intelligents (sur le modèle des plateformes de rendez-vous avec des professionnels de santé) [2]. L’usager aura ainsi un accès simplifié à ces professionnels, qui gagneront pour leur part en visibilité.

Dans tous les cas la mise à disposition de ces données publiques par les administrations pourrait utilement s’accompagner d’un message destiné à rappeler la nature personnelle de ces données et les obligations qui pèsent sur tout nouveau responsable de traitement.

[1Cette évolution adapte ainsi en droit interne les dispositions de la directive 2013/37/UE qui encourage « la généralisation de la disponibilité et de la réutilisation des informations du secteur public à des fins privées ou commerciales avec des contraintes juridiques techniques ou financières minimes ou inexistantes, et qui favorisent la circulation de informations ».