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Faute inexcusable du transporteur : appréciation de l’acceptation téméraire du risque sans raison

  • CA Versailles 3 mai 2016 n°14/08484, SAS Etablissements Morin c/ SA Helvetia Assurances

Le transporteur commet une faute délibérée en ne respectant pas les consignes de calage du matériel transporté. Mais il n’a pas accepté témérairement le risque si l’expéditeur, qui assistait au chargement, n’a formulé aucune objection.

Le transporteur ne peut invoquer aucune limitation conventionnelle de responsabilité si le dommage est dû à sa faute inexcusable. Est inexcusable la faute délibérée qui implique la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable (C. com. art. L 133-8).

Une société avait chargé un transporteur routier de transporter un engin de chantier sur une semi-remorque ; dans un virage, la chaîne qui arrimait l’engin avait cédé et le matériel était tombé dans le fossé.

La Cour d’appel de Versailles a estimé que le transporteur avait commis une faute délibérée impliquant la conscience de la probabilité du dommage :

  • il avait accepté expressément la charte transmise par la société expéditrice qui lui transférait la responsabilité de l’arrimage et du calage des engins transportés et qui prévoyait que, pour le transport litigieux, il convenait de caler les roues ou les chenilles de l’engin, ce qui faisait défaut en l’espèce ;
  • un rapport d’expertise avait conclu que la chute de l’engin était due à un arrimage insuffisant car effectué à l’aide d’une seule chaîne, au surplus rouillée, alors que deux chaînes auraient été nécessaires ;
  • il est de la responsabilité d’un transporteur avisé, qui a l’habitude de travailler avec un cocontractant pour le transport d’engins de chantier, lourds et volumineux et qui, au surplus, a accepté de suivre des consignes de sécurité strictes relatives au calage et à l’arrimage de ces engins que ce cocontractant lui a imposées, au regard de ses errements passés, de veiller à leur stricte application, ce qu’il n’avait pas fait ;
  • le préposé du transporteur n’avait pas adapté sa vitesse au chargement et à la configuration de la route.

Néanmoins, la Cour d’appel a considéré qu’il n’y avait pas acceptation téméraire, sans raison valable, du risque encouru, dès lors qu’il n’était pas établi que les préposés de la société expéditrice, nécessairement présents lors du chargement de l’engin, avaient formulé une objection quant à la manière dont le transporteur avait calé et arrimé l’engin, et que le conducteur était passé outre ces éventuelles remarques ou objections.

La faute inexcusable du transporteur n’a pas été retenue alors que la chute du matériel était bien due à un défaut d’arrimage de sa part et qu’il n’avait donc pas pris de précautions suffisantes. Mais l’absence d’objections de la part de l’expéditeur a suffi à considérer que la faute du transporteur n’était pas inexcusable, du fait de l’absence d’acceptation téméraire du risque encouru.

Source : Editions Francis Lefebvre 2016