L’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 21 novembre 2018 est une parfaite illustration de ce qu’est une faute inexcusable en transport routier de marchandises. Sa démonstration est peu fréquente tant les conditions légales sont strictes. Ceci s’explique par l’enjeu d’une telle qualification puisque la preuve d’une faute inexcusable permet d’écarter les limitations d’indemnisation dont bénéficie le transporteur.
En l’espèce, un commissionnaire est chargé de faire livrer des téléviseurs. Lors d’un stationnement de nuit, 139 des 164 colis ont été volés. Après indemnisation du client, le commissionnaire et son assureur assignent le transporteur substitué. Il est reproché à la cour d’appel d’avoir fait droit à cette demande (CA Toulouse, 2e ch., 27 juill. 2016, n° 14/06274). Le pourvoi invite la Cour de cassation à se prononcer sur l’application des critères cumulatifs de la faute inexcusable au sens de l’article L. 133-8 du Code de commerce.
La Haute juridiction approuve les juges du fond d’avoir considéré que « le fait d’avoir stationné pour la nuit une remorque chargée de marchandises sensibles, sans aucun dispositif de fermeture, sur un terrain non surveillé, constitue une faute du transporteur, garant des pertes, au sens de l’article L. 133-1 du Code de commerce ». Le trajet de nuit imposé par le client ne saurait suffire à justifier l’attitude du transporteur. En revanche, la référence à l’article L. 133-1 du Code de commerce donc aux notions de garant et de perte ne nous semblait pas s’imposer.
Mais la reconnaissance de l’existence d’une faute ne suffit pas. Pour établir le caractère de la faute, il est retenu que le choix du stationnement, avec un chargement dont la composition était propice au vol et dont le transporteur ne pouvait ignorer la valeur, en contradiction flagrante avec les instructions reçues, constitue une faute délibérée qui dépasse le seuil de la simple négligence. Le transporteur a fait fi de la volonté du client dans la réalisation de l’opération de transport. C’est la violation des consignes qui a conduit à l’exposition au risque de vol.
Or, pour qu’il y ait faute inexcusable, il fallait que soient réunies la conscience de la probabilité du dommage et son acceptation téméraire sans raison valable. On observe la référence faite au statut professionnel du transporteur dans la démonstration de la conscience du risque de vol. C’est en connaissance de cause que le transporteur a pris le risque sérieux d’exposer la marchandise au vol.
L’acceptation téméraire du risque de vol est ainsi caractérisée sans qu’aucune raison valable ne justifie un tel choix. La faute commise par le transporteur est donc bien une faute inexcusable au regard des conditions légales posées à l’article L. 133-8 du Code de commerce.
Cet arrêt est un signal fort envoyé aux transporteurs professionnels. Il se veut une incitation au respect élémentaire des règles de prudence connues des transporteurs mais sciemment méconnues dans la pratique au mépris des intérêts des personnes intéressées à l’opération de transport.
Source : LexisNexis