Détenir de l’immobilier en France à travers une société civile immobilière française peut s’avérer être un véritable casse-tête pour les résidents belge.
En 2016, la Cour de Cassation a reconnu la personnalité juridique des SCI françaises dites opaques. Ceci signifie que tant que la société ne distribue pas de revenus, les associés belges d’une SCI française ne doivent pas déclarer de revenu immobilier dans leur déclaration à l’impôt des personnes physiques tant qu’ils ne reçoivent pas de distribution de la SCI.
Il en résulte un traitement fiscal différencié :
Si une SCI française investit dans un immeuble en Belgique, elle sera soumise à l’impôt des sociétés en Belgique et les associés résidents français devront déclarer les revenus immobiliers de la SCI dans leur déclaration de revenus annuelle.
Ce régime fiscal ne changera pas lorsque la nouvelle convention préventive de la double imposition signée en 2021 entrera en vigueur.
Toutefois, la loi du 22 décembre 2023 a changé la donne ; elle a intégré dans le régime relatif à la taxe Caïman des dispositions qui risquent d’avoir une influence sur les associés belges d’une SCI.
La taxe « Caïman » est un terme générique qui désigne des dispositions dans le code des impôts sur les revenus qui ont pour but de taxer les revenus perçus par des entités, dénommées « constructions juridiques », par transparence dans le chef des « fondateurs » comme si ces derniers avaient perçu directement ces revenus et, ce même en l’absence de distribution effective de ces revenus.
Une taxe de transparence
Ils doivent alors déclarer les revenus de la construction juridique dans la rubrique correspondant à leur qualification (ex. : dividendes, revenus immobiliers, revenus professionnels).
Depuis 2024, une SCI française est considérée comme une construction juridique si, en France, elle est soumise à un impôt sur les revenus inférieur à 1% du revenu imposable de la société déterminé conformément à la loi fiscale belge, soit après déduction les amortissements et dépenses relatifs à l’immeuble.
Si la SCI ne loue pas l’immeuble mais le met à la disposition de ses associés, elle n’a pas de revenus imposables et elle ne doit pas être considérée comme une construction juridique.
Si la SCI loue régulièrement l’appartement, il faut faire le test de 1% en tenant compte des amortissements sur le bien immobilier et de toutes les charges (travaux, frais d’entretien, etc.) qui seraient déductibles si la société était établie en Belgique. Ceci aboutirait très probablement à une base imposable « à la belge » négative, en grande partie due à l’amortissement du bien immobilier sur 33 ans.
Il n’est pas toujours pas clair comment on doit interpréter ces dispositions si la SCI n’est pas censée avoir payé un impôt de 1%. L’associé résident belge devrait déclarer le revenu cadastral (déterminé à la belge). Ce revenu serait alors exonéré sous réserve de progressivité en Belgique en vertu de la convention préventive de la double imposition conclue entre la Belgique et la France.
Toutefois dans la nouvelle convention les revenus français seront exonérés (sous réserve de progressivité) en Belgique à la condition que ces revenus aient subi l’impôt en France. Il faudra vérifier si l’administration fiscale belge considèrera la taxe foncière comme un impôt sur le revenu. Sinon, la Belgique ne devra pas l’exempter sous réserve de progressivité.
Une taxe sur les distributions
La taxe Caïman est également une taxe sur les distributions. Si la construction juridique verse des revenus au fondateur ou à un autre bénéficiaire résidant en Belgique, ces revenues doivent être déclarés comme un dividende imposable au taux de 30%, sauf s’ils ont subi leur régime fiscal en Belgique sous le régime Caïman.
Un problème se pose lors de la distribution de la plus-value réalisée par la SCI sur la vente d’un immeuble en France. Cette plus-value est en principe exonérée en Belgique mais au moment de la distribution elle risque d’être taxée.
L’actuelle convention préventive de la double imposition prévoit que lorsqu’un résident belge réalise une plus-value sur la cession des parts d’une SCI française, le pouvoir d’imposition appartient à la Belgique. Or, en Belgique, la plus-value ainsi obtenue relève de la gestion normale du patrimoine privée et n’est pas imposée.
Cependant, le Conseil d’Etat français a décidé que la cession de parts d’une SCI française détenant des biens immobiliers représentant (directement ou indirectement) plus de 50% de son actif doit être considérée comme la cession d’un bien immobilier.
La convention laisse chaque Etat libre d’attribuer aux biens immobiliers situés sur son territoire et aux revenus produits par ces biens le sens qu’ils ont selon son droit interne. Ces dispositions impliquent que la plus-value obtenue en cas de cession d’un bien immeuble situé en France est imposable en France. L’impôt y est dû sur une base déterminée après déduction de certains frais réels ou forfaitaires, et d’un abattement eu égard à la durée de détention du bien cédé, au taux de 19 %. A cet impôt, s’ajoutent les prélèvements sociaux dont le taux s’élève à 7,5 % pour les ressortis-sants d’un Etat-membre de l’U.E.
L’esprit de cette décision a été repris dans la nouvelle convention. Par conséquent, si un résident belge vend des parts d’une SCI dont l’actif est constitué à plus de 50 % de biens immeubles situés en France, il sera redevable en France de l’impôt et des prélèvements sociaux sur la plus-value qu’il aura réalisée.
En matière de droits de succession, le raisonnement lié à la notion de prépondérance immobilière ne peut s’appliquer. La Cour de Cassation française a décidé, contrairement au Conseil d’Etat, que les parts d’une SCI relevaient de la catégorie des biens mobiliers, lesquels sont imposables aux droits de succession dans l’Etat de résidence du défunt.
Mais là également, l’intérêt d’une SCI fait défaut, si ce n’est pour soumettre la transmission de ses parts aux droits de succession belges…