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BREVES JURISPRUDENTIELLES

Conséquences de la faute grave commise durant le préavis

Dans un arrêt du 11 septembre 2019, la Cour de cassation précise les conséquences de la faute grave commise durant le préavis sur l’indemnité de licenciement. Si cette faute n’a pas pour conséquence de priver le salarié de son droit à l’indemnité, elle a en revanche des conséquences sur son montant.

  • Cass. soc. 11 septembre 2019, n° 18-12.606.

Dans la présente affaire, une salariée licenciée pour insuffisance professionnelle bénéficiait d’un préavis de 6 mois. Deux semaines après la notification de son licenciement, l’employeur a reproché à la salariée d’avoir commis une faute grave durant l’exécution de son préavis. Le contrat de travail a alors été immédiatement rompu.

La Cour rappelle que le droit à l’indemnité naît à la date où le licenciement a été notifié. Ainsi, la faute grave commise durant le préavis n’a pas pour effet de priver le salarié de son droit à l’indemnité. En revanche, la rupture immédiate du contrat à des conséquences sur son montant. Ainsi, pour calculer l’indemnité de licenciement, il doit être tenu compte de l’ancienneté à l’expiration du contrat. La faute grave commise durant le préavis a pour effet d’interrompre le contrat. Cette interruption doit donc être prise en compte pour déterminer le montant de l’indemnité. En d’autres termes, l’ancienneté prise en compte pour calculer le montant de l’indemnité de licenciement n’est pas celle que le salarié aurait acquise à l’issue du préavis s’il l’avait correctement exécuté mais celle acquise au dernier jour travaillé. Le montant de l’indemnité de licenciement doit donc être réduit à due proportion.

Application des barèmes Macron — Interprétation de la Cour d’appel de Paris et de la Cour d’appel de Reims

Les premières décisions des Cours d’appel sur la conventionalité des barèmes Macron étaient particulièrement attendues. Si les juges considèrent ces barèmes comme étant conformes, la Cour d’appel de Reims reconnait également la possibilité de les écarter au cas par cas.

  • CA Paris, 18 septembre 2019, n° 17/06676 ; CA Reims, 25 septembre 2019, n° 19/00003 ; CA Paris, 30 octobre 2019, n° 16/05602.
    La question de la conventionalité des barèmes fixés par l’article L. 1235-3 du Code du Travail occupe une place de choix dans l’actualité depuis de nombreux mois. Dans un avis du 17 juillet 2019, la Cour de cassation a reconnu la compatibilité de ces barèmes avec l’article 10 de la convention 158 de l’OIT. Cet article précise qu’en cas de licenciement injustifié, le salarié doit pouvoir bénéficier d’une indemnité adéquate. Les dispositions de l’article 24 de la Charte européenne sont similaires. Toutefois, la Cour de cassation a considéré que ces dispositions n’étaient pas d’application directe. 

Dans un premier arrêt du 18 septembre 2019, par une motivation quelque peu laconique, la Cour d’appel de Paris a estimé que la réparation prévue par les barèmes constituait une réparation du préjudice adéquate et appropriée à la situation qui lui était soumise. Ainsi, les juges ont précisé qu’il n’y avait pas lieu de déroger au barème réglementaire et de le considérer comme étant contraire aux conventions internationales.

L’arrêt rendu par la Cour d’appel de Reims, le 25 septembre 2019, adopte une motivation bien plus développée. En premier lieu, les juges considèrent que l’article 24 de la Charte Européenne a bien une application directe. La Cour estime ensuite que ces barèmes sont conformes aux textes internationaux dès lors qu’une réparation adéquate n’implique pas une réparation intégrale du préjudice mais une indemnisation d’un montant raisonnable en lien avec le préjudice subi. Toutefois, la Cour précise qu’un dispositif jugé conventionnel peut porter une atteinte disproportionnée au droit du salarié. Dans ce cas, les juges doivent effectuer un contrôle « in concreto » et non « in abstracto ». En d’autres termes, il convient d’apprécier la situation individuelle du salarié. En l’espèce, le salarié n’ayant pas sollicité ce contrôle « in abstracto », la Cour d’appel a fait application du barème.

Enfin, la dernière décision des juges du fond sur les barèmes est particulièrement récente puisqu’elle date du 30 octobre 2019. La Cour d’appel de Paris confirme que la mise en place d’un barème n’est pas en soi contraire aux textes internationaux. La Cour rappelle que « le juge français dans le cadre des montants minimaux et maximaux édictés sur la base de l’ancienneté du salarié et de l’effectif de l’entreprise, gardant une marge d’appréciation  ».

Licenciement durant une période d’arrêt maladie : la discrimination n’est pas automatique 

Dans une décision du 2 octobre 2019, la Cour de cassation rappelle les règles applicables en matière de charge de la preuve s’agissant d’une discrimination fondée sur l’état de santé. Ainsi, un licenciement prononcé durant une période d’arrêt maladie n’est pas automatiquement discriminatoire.

  • Cass. soc. 2 octobre 2019, n° 18-14.546.
    Un salarié, embauché en 2007, avait été placé en arrêt maladie du 20 août 2014 au 20 avril 2015. Le 14 avril 2015, ce dernier avait été licencié pour insuffisance professionnelle. Le salarié a contesté son licenciement et soutenait que celui-ci était en réalité justifié par son arrêt maladie. Il invoquait ainsi une discrimination fondée sur son état de santé.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel ayant rejeté les demandes du salarié. Elle relève que griefs mentionnés dans la lettre de licenciement portaient sur une période antérieure à l’arrêt de travail du salarié, qu’ils avaient été évoqués lors d’un entretien qui s’était tenu avant l’arrêt de travail et que le licenciement était intervenu plusieurs mois après le début de l’arrêt maladie et avant la reprise du travail. La Cour de cassation considère ainsi que la Cour d’appel n’a pas inversé la charge de la preuve en faisant ressortir que le salarié ne présentait pas d’éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination fondée sur l’état de santé.

Incompatibilité du mandat de membre élu du CSE et de représentant syndical au CSE

La Cour de cassation met un terme à une pratique née lors de la création des CSE, à savoir, le cumul du mandat de membre suppléant du CSE et de celui de représentant syndical.

  • Cass. soc. 11 septembre 2019, n° 18-23.764.

Un élu membre suppléant du CSE avait été désigné par un syndicat en qualité de représentant syndical au sein de la même instance. L’employeur a contesté cette désignation en invoquant l’incompatibilité des deux mandats. Le Tribunal d’instance a donné raison à l’employeur. Il a ainsi invité le salarié à choisir dans le délai d’un mois entre la fonction de membre élu suppléant du CSE ou de représentant syndical. A défaut, la désignation était annulée.

Le salarié et le syndicat ont contesté ce jugement. Ils soutenaient que les membres élus suppléants ne siégeaient pas au Comité et qu’en conséquence, il n’y avait pas d’incompatibilité des mandats. Cette argumentation est rejetée.

La Cour énonce qu’un salarié ne peut siéger simultanément au sein du même CSE en qualité à la fois de membre élu, titulaire ou suppléant, et de représentant syndical. Elle précise qu’un salarié ne peut au sein d’une même instance et dans le même temps, exercer des fonctions délibératives liées au mandat de membre élu et des fonctions consultatives attachées au mandat de représentant syndical.

Enfin, la Cour approuve la solution retenue par les juges du fond ayant laissé la possibilité au salarié d’opter pour le mandat de son choix et à défaut, de prononcer l’annulation de la désignation de représentant syndical. 

Attitude ambiguë de la victime et harcèlement sexuel

L’attitude ambiguë d’une salariée, participant volontairement à un jeu de séduction réciproque avec un autre salarié, exclut l’existence d’un harcèlement sexuel.

  • Cass. soc. 25 septembre 2019, n° 17-31.171.

Au sein d’une société, un responsable d’équipe d’une centaine de personne avait été licencié pour faute grave en raison d’un harcèlement sexuel. L’employeur reprochait à ce dernier d’avoir adressé à plusieurs reprises, sur une période de deux ans, des SMS au contenu déplacé et pornographique à une salariée dont il était le supérieur hiérarchique. La Cour d’Appel avait requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse. La Cour de cassation rejette les pourvois interjetés par l’employeur et le salarié à l’encontre de cette décision.

En premier lieu, la Cour précise que pour qualifier des faits de harcèlement sexuel, l’attitude de la victime doit être analysée. En l’espèce, les juges constatent que la salariée présumée victime avait répondu aux SMS du salarié licencié, sans que l’on ne puisse identifier lequel avait adressé le premier message, ni que l’auteur présumé du harcèlement moral ait été invité à cesser tout envoi. En outre, la Cour souligne que la salariée avait adopté sur le lieu de travail à l’égard du salarié licencié une attitude très familière de séduction. Enfin, la Cour constate l’absence de toute pression grave ou de toute situation intimidante, hostile ou offensante à l’encontre de la salariée. Ainsi, l’attitude ambiguë de la salariée qui a volontairement participé à un jeu de séduction réciproque exclut que les faits puissent être qualifiés de harcèlement sexuel.

En second lieu, le salarié licencié soutenait que les faits reprochés relevaient de sa vie personnelle et qu’en conséquence, ils ne pouvaient fonder un licenciement pour motif disciplinaire. La Cour de Cassation rejette également cette argumentation. La Cour retient que ces messages ont été adressés par le salarié depuis son téléphone professionnel et que son comportement lui a fait perdre toute autorité et toute crédibilité dans l’exercice de sa fonction de direction, dès lors incompatibles avec ses responsabilités.

En définitive, si les faits ne peuvent être qualifiés de harcèlement sexuel compte tenu de l’attitude de la salariée, il n’en demeure pas moins que l’attitude du supérieur hiérarchique reste fautive et justifie son licenciement.