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DISCRIMINATION SYNDICALE ET PRISE D’ACTE DE LA RUPTURE : UNE JURISPRUDENCE TOUJOURS PLUS EXIGEANTE

Dans un arrêt du 15 avril 2015, la Cour de cassation a considéré que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par un salarié devait produire les effets d’une démission en se fondant, d’une part, sur le contexte particulier des relations de ce salarié avec son employeur et, d’autre part, sur l’ancienneté et l’absence d’impact des agissements discriminatoire sur la carrière de l’intéressé (Cass. soc. 15 avril 2015 n° 13-24.333).

La Cour de cassation fixe ainsi les limites nécessaires et élabore progressivement un cadre strict pour ce mode de rupture prétorien, afin de le réserver aux situations dans lesquelles le salarié est effectivement victime de graves manquements et d’éviter une quelconque précipitation à mettre fin à de la relation contractuelle en imputant les torts à l’employeur, dès la survenance d’un désaccord.

En matière de prise d’acte de la rupture ou de résiliation judiciaire, il est désormais de jurisprudence constante que la rupture n’est imputable à l’employeur que si celui-ci a commis des manquements de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass.soc. 26 mars 2014 n° 12-21.372).

Il en résulte que tout manquement de l’employeur à ses obligations ne justifie pas nécessairement la résiliation du contrat de travail à ses torts ou la prise d’acte de la rupture du contrat. A cet égard, il appartient aux juges d’apprécier l’importance de ce manquement et son incidence sur le contrat.

Ainsi, il avait déjà été jugé qu’en l’absence d’influence défavorable sur le montant de la rémunération perçue par le salarié, la modification du système de rémunération ne justifiait pas d’imputer la rupture à l’employeur (Cass. soc. 12 juin 2014 n° 13-11.448).

En l’espèce, dans l’arrêt du 15 avril 2015, alors qu’il avait sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail, un salarié avait pris acte de la rupture en invoquant des agissements de l’employeur caractérisant une discrimination syndicale. Néanmoins, les faits en cause remontaient à plusieurs années et n’avaient eu aucune incidence sur le déroulement de carrière de l’intéressé. Dans ces conditions, peu important qu’ils soient avérés, les manquements invoqués par le salarié au titre de la discrimination syndicale n’empêchaient pas la poursuite du contrat de travail aux torts de l’employeur.

S’agissant du critère de l’ancienneté des faits en cause, cette décision confirme un arrêt récent dans lequel la Cour de cassation avait jugé que des manquements anciens ne justifiaient pas la prise d’acte de la rupture (Cass.soc. 26 mars 2014 n°12-23.634).

La jurisprudence récente tend donc à rappeler l’aléa lié à la prise d’acte, dont le succès pour le salarié est subordonné à l’existence de manquements graves de l’employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat.

  • Cass. soc. 15 avril 2015 n° 15-24.333