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LA PRISE D’ACTE DU SALARIE REND VAINE L’AUTORISATION ADMINISTRATIVE DE LICENCIEMENT

La Cour de cassation précise l’articulation de la procédure spéciale de licenciement d’un représentant du personnel avec la prise d’acte de la rupture, en se prononçant pour la première fois sur l’hypothèse d’une prise d’acte intervenant entre la demande d’autorisation administrative et la réponse de l’inspecteur du travail.

  •  Cass. soc. 12 novembre 2015 n° 14-16.369

- L’employeur perd le pouvoir de licencier dès la prise d’acte de la rupture

En l’espèce, quelques jours avant que l’inspecteur autorise le licenciement d’un salarié élu, celui-ci avait pris acte de la rupture pour des motifs totalement étrangers à ceux contenus dans la lettre de licenciement notifiée. Considérant que les griefs invoqués justifiaient la prise d’acte, la cour d’appel a jugé que le licenciement devait produire les effets d’un licenciement nul, en dépit de l’autorisation de l’inspecteur du travail.

 La Cour de cassation confirme cette solution, qui s’explique par le caractère immédiat de la rupture provoquée par la prise d’acte : le contrat étant rompu, l’autorisation de licencier est inopérante (en ce sens, Cass. soc. 12 mars 2014, n° 12-20.108 et CE 17 décembre 2008 n° 303904).

Il en résulte que si la prise d’acte de la rupture par le salarié est jugée justifiée, l’employeur perd le pouvoir de licencier, quand bien même les faits reprochés aux salariés seraient avérés et conduiraient l’inspecteur à autoriser le licenciement.

- L’autorisation administrative ne couvre pas la violation du statut protecteur

En l’espèce, l’employeur se prévalait de la décision de l’inspecteur du travail pour s’exonérer de l’indemnisation au titre de la violation du statut protecteur.

Néanmoins, la Cour de cassation rejette cet argument, de sorte que le salarié peut prétendre à une indemnité pour violation du statut protecteur égale aux salaires qu’il aurait dû percevoir jusqu’à la fin de la période de protection en cours (correspondant, en l’absence de demande de réintégration, aux salaires restant à courir jusqu’à la fin du mandat, dans la limite de 30 mois de salaires pour les élus CE ou DP).

- La modification unilatérale du contrat par l’employeur ne justifie pas automatiquement la prise d’acte par un salarié protégé.

Enfin, jusqu’alors la prise d’acte d’un salarié motivée par la modification unilatérale du contrat était jugée nécessairement justifiée (Cass. soc. 5 mai 2010 n° 08-44.895).

La Cour de cassation opère ici un revirement de jurisprudence puisque désormais que le salarié soit protégé ou non, en matière de prise d’acte, il appartient aux juges du fond d’apprécier la gravité des manquements invoqués par le salarié pour déterminer si la rupture produit les effets d’une démission ou d’un licenciement.