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LA PROMESSE DE CDI FAITE A UN SALARIE INTERIMAIRE NE LIBERE PAS NECESSAIREMENT L’EMPLOYEUR DE L’INDEMNITE DE PRECARITE !

Le salarié a droit à l’indemnité de précarité s’il n’a pas signé de CDI immédiatement après le terme de son contrat de mission, peu important que la promesse d’embauche en CDI lui ait été transmise avant l’échéance du terme.

Une indemnité de précarité due au salarié ...

Conformément aux dispositions de l’article L. 1251-32 du Code du travail, lorsqu’à l’issue d’une mission d’intérim, le salarié temporaire ne bénéficie pas immédiatement d’un contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise utilisatrice, il a droit, à titre de complément de salaire, à une indemnité de fin de mission destinée à compenser la précarité de sa situation.

En l’espèce, une entreprise utilisatrice avait bien proposé à un salarié intérimaire une embauche en CDI avant la fin de sa mission mais celui-ci ne l’avait accepté que 9 jours après le terme de la mission. Alors même que le délai de conclusion du CDI lui était imputable, le salarié revendiquait néanmoins le bénéfice de l’indemnité de précarité au motif que son CDI n’avait pas été conclu immédiatement après son contrat temporaire.

...indépendamment de la date de proposition du CDI : c’est la date d’acceptation par le salarié qui compte !

Contre toute attente, la Cour de cassation adopte, dans son arrêt du 5 octobre 2016, une appréciation particulièrement rigoureuse de la condition d’immédiateté.

En effet, considérant que ce n’est qu’à la date d’acceptation de la promesse d’embauche que le salarié bénéficie d’un CDI, ce dernier peut prétendre à l’indemnité de précarité si son acceptation intervient après le terme de la mission, peu important que la promesse d’embauche ait été formulée bien avant la fin du contrat d’intérim.

Si le souci de préserver le droit à indemnité du salarié est louable, il n’en demeure pas moins que la solution adoptée par la Cour de cassation ouvre une brèche dans laquelle pourront s’engouffrer des salariés peu scrupuleux, leur permettant de tirer profit, en définitive, de la patience d’un employeur qui les a embauchés en CDI !

En effet, l’indemnité de fin de mission étant destinée à compenser la précarité de la situation du salarié intérimaire, la proposition de CDI soumise avant le terme de la mission puis acceptée devrait logiquement rendre cette indemnité sans objet puisque l’intéressé dispose alors de la possibilité de conclure une relation de travail à durée indéterminée, a priori plus protectrice de ses intérêts.

Au soutien de son pourvoi, l’employeur soutenait d’ailleurs que lorsque le salarié reçoit avant la fin de sa mission une offre d’embauche en CDI, ferme et précise, il y a lieu de considérer que la condition de bénéfice immédiat d’un CDI est remplie, même si l’acceptation du salarié n’intervient que postérieurement.

La Cour de cassation rejette cette argumentation et juge que "le salarié n’avait accepté que le 10 mai 2012 la « promesse d’embauche » sous contrat à durée indéterminée que l’entreprise utilisatrice lui avait adressée le 23 avril précédent avant le terme de sa mission, et que, neuf jours ayant séparé le terme de sa mission, le 1er mai, de la conclusion du contrat de travail engageant les deux parties, elle en a exactement déduit que le salarié n’avait pas immédiatement bénéficié de ce contrat".

Bien que le salarié ait disposé d’une offre d’embauche avant le terme de sa mission, l’indemnité de "précarité" lui est due s’il a attendu pour accepter ce contrat !

Cette solution est d’autant plus surprenante que la Cour de cassation admet qu’un contrat conclu immédiatement à l’issue de la mission peut prendre effet postérieurement, sous réserve d’un délai raisonnable (Cass.soc. 8 décembre 2004, n° 01-46.877).

Il en résulte que pour écarter le versement de l’indemnité de précarité, l’entreprise utilisatrice qui embauche un salarié intérimaire en CDI doit avoir conclu le contrat au plus tard le lendemain du terme de la mission, même si, en pratique, le CDI ne débute que quelques jours après.

Comment se protéger ?

Pour se prémunir du manque de diligence, voire de la mauvaise foi d’un salarié qui attendrait la fin de sa mission avant d’accepter le CDI proposé, l’employeur aura tout intérêt à limiter la durée de validité de son offre d’engagement pour contraindre le salarié à manifester sa volonté avant le terme du contrat d’intérim.

Quid de l’indemnité de précarité du CDD ?

La doctrine est partagée sur la question de savoir si la solution adoptée par la Cour de cassation en matière de contrat d’intérim a vocation à s’appliquer au contrat à durée déterminée. En effet, la rédaction du texte n’étant pas strictement identique, il n’est pas certain que l’employeur soit redevable de l’indemnité de précarité en cas de CDI proposé en amont mais accepté postérieurement à la fin du CDD par le salarié.

  • Cass. soc 5 octobre 2016, n° 15-28.672