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Fiscalité des crypto-monnaies : de nouvelles règles vont entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2023

La loi de finances pour 2019 est à l’origine de la mise en place d’un régime fiscal spécifique aux crypto-actifs.

Avant le 1er janvier 2019, la fiscalité de ces actifs numériques avait connu des errements, censurés par le Conseil d’Etat dans sa décision du 26 avril 2018 (CE, 8e et 3e ch., n°417809).

Selon cet arrêt, les gains de cession d’actifs numériques pouvaient être soumis à trois régimes fiscaux distincts :

  • Les plus-values réalisées par les particuliers étaient taxées selon les dispositions de l’article 150-UA du CGI (plus-values sur biens meubles) ;
  • Les revenus tirés d’activité de minage étaient imposés dans la catégorie des BNC ;
  • Les gains provenant de l’exercice habituel d’achat-revente de crypto-actifs étaient imposés dans la catégorie des BIC.

En pratique, le régime fiscal applicable aux particuliers « non-professionnels », à savoir l’application du régime des plus-values sur biens meubles, entraînait de nombreuses difficultés de mise en œuvre compte tenu du caractère fongible des actifs numériques.

C’est dans ce contexte que la loi « PACTE » du 22 mai 2019 est venue définir la notion d’actifs numériques :

« Pour l’application du présent chapitre, les actifs numériques comprennent :

1° Les jetons mentionnés à l’article L552-2, à l’exclusion de ceux remplissant les caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L211-1 et des bons de caisse mentionnés à l’article L223-1 ;

2° Toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement  ».

Parallèlement, d’un point de vue fiscal, la loi de finances pour 2019 a créé un nouveau régime fiscal pour répondre aux spécificités de cette nouvelle catégorie juridique d’actifs numériques, codifié à l’article 150-VH bis du CGI… mais qui va évoluer dès le 1er janvier 2023 avec l’apport de la loi de finances pour 2022.

En l’état ce régime de l’article 150 VH peut être résumé de la manière suivante :

Les particuliers qui réalisent des opérations à titre occasionnel dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé sont, pour les plus-values constatées en FIAT (monnaies ayant cours légal), passibles de la flat tax (taux forfaitaire de 12,8 % auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux – 17,2 %). Il résulte de ce régime une absence de taxation pour les opérations d’échanges sans soulte entre actifs numériques qui bénéficient d’un sursis d’imposition.

Les plus-values résultant de l’exercice habituel d’une activité d’achats en vue de la revente d’actifs numériques sont quant à elles soumises au régime des BIC. Les plus-values d’échanges d’actifs numériques seraient également taxables pour les professionnels.

Par exception, lorsque les gains réalisés par le contribuable ne constituent pas un gain en capital résultant d’une opération de placement, mais sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle (activité dite de « minage »), le régime des BNC s’applique.

Tirant les conséquences du rapport de l’Assemblée Nationale sur la mise en œuvre des conclusions de la mission d’information relative aux crypto-monnaies du 1er décembre 2021, la loi de finances pour 2022 a modifié le régime fiscal applicable pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2023 :

Pour les particuliers non professionnels, les contribuables dont le taux marginal d’imposition est inférieur à 12,8% au titre de l’impôt sur le revenu auront la possibilité d’opter pour le barème progressif de l’impôt. L’option est globale et porte sur le total des plus-values de cession d’actifs numériques réalisées par le foyer fiscal. Elle pourra être exercée chaque année lors du dépôt de la déclaration de revenus et au plus tard avant la date limite de déclaration.

L’option pour l’imposition selon le barème progressif des plus-values sur cession d’actifs numériques est indépendante de celle pouvant être exercée pour la taxation des revenus de capitaux mobiliers et des plus-values sur cession de droits sociaux. Les contribuables y ayant intérêt auront donc, le cas échéant, deux options à exercer.

Pour les professionnels, il est prévu un alignement du régime applicable aux professionnels de la crypto-monnaie aux dispositions applicables aux opérations de bourse, qui relèveront non plus de la catégorie des BIC mais de la catégorie des BNC.

Le législateur a également souhaité faciliter l’appréciation des opérations réalisées à titre occasionnel ou professionnel par les contribuables.

Depuis la loi de finances pour 2019, le critère habituel ou occasionnel des cessions permet de déterminer le traitement fiscal des gains de cession. Les commentaires administratifs précisent que le caractère habituel ou occasionnel de l’activité résulte de « l’examen, au cas par cas, des circonstances de fait dans lesquelles les opérations d’achat et de revente, sont réalisées », puis donnent des exemples de critères quantitatifs à prendre en considération :

  • Les délais séparant les dates d’achat et de revente,
  • Le nombre d’actifs numériques vendus,
  • Les conditions de leur acquisition, etc.

Ces critères entraînent des difficultés d’appréciation compte tenu de la nature et des modalités pratiques des opérations réalisées avec des actifs numériques.

A compter du 1er janvier 2023, la réalisation d’opérations sur actifs numériques, « dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne s’y livrant à titre professionnel », concernera des contribuables :

  • Bénéficiant de frais de transaction préférentiels en contrepartie d’un engagement à échanger un certain volume d’actifs numériques par mois, ou
  • Qui recourent à des outils professionnels ou à des pratiques de trading complexes.

Nul doute que des incertitudes demeurent, mais le législateur a tenté de donner une première grille de lecture de la fiscalité applicable à ces nouveaux types d’actifs en constante évolution.

Nous ne manquerons pas d’être vigilants sur les prochains aménagements qui devraient intervenir, notamment au sujet des Non-fongible tokens (NFT) pour lesquels le régime actuel des crypto-actifs ne semble pas adapté.