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Intelligence artificielle : la Commission de l’IA formule ses recommandations aux pouvoirs publics pour mener une dynamique d’appropriation collective et de déploiement du plein potentiel de l’IA

Installée à Matignon à la demande de la Première Ministre depuis le 19 septembre 2023, la Commission de l’Intelligence artificielle (ci-après désignée « l’IA ») a remis le 13 mars 2024 un rapport contenant vingt-cinq recommandations à destination des pouvoirs publics visant à faire de la France un acteur majeur dans la révolution technologique de l’IA. Parmi elles, la Commission de l’IA identifie sept recommandations prioritaires aspirant à doter la France du rôle de « leader » dans le développement en Europe d’une dynamique d’appropriation collective et de déploiement du plein potentiel de l’IA.

Un plan d’action suggéré autour de vingt-cinq recommandations opérationnelles pour répondre aux défis de l’IA

La Commission de l’IA part du constat selon lequel « l’intelligence artificielle est une révolution technologique incontournable. L’émergence soudaine et la diffusion de l’IA générative marquent une étape importante de cette révolution ». La Commission souligne alors l’importance pour la France de se hisser au rang de pays « leader » dans cette révolution, ce qui implique notamment d’accompagner le déploiement de l’IA, de faciliter son appropriation par la société, de permettre à l’innovation dans ce domaine de se développer et de penser la régulation de l’IA en adéquation avec ces objectifs.

La Commission expose alors dans ce rapport un plan d’action, pensé autour de ces vingt-cinq recommandations et représentant un engagement annuel d’environ 5 milliards d’euros au cours des cinq prochaines années. La Commission indique par ailleurs que ces moyens peuvent être répartis selon cinq grandes catégories : l’appropriation collective, la formation et la recherche ; le déploiement de l’IA au service des citoyens ; les investissements technologiques et industriels ; la diffusion de l’IA dans l’économie ; la gouvernance française, européenne et mondiale.

Parmi ces vingt-cinq recommandations, la Commission qualifie sept d’entre elles de « recommandations prioritaires » et propose ainsi les grandes lignes d’action suivantes :

  1. Créer les conditions d’une appropriation collective de l’IA et de ses enjeux en lançant un plan de sensibilisation et de formation des citoyens : animation de débats publics en continu sur les impacts économiques et sociétaux de l’IA au plus près des lieux du quotidien, structuration de l’offre de formation d’enseignement supérieur, massification de la formation continue aux outils d’IA, intégration de l’IA comme objet et outil du dialogue social ;
  2. Investir massivement dans les entreprises du numérique et la transformation des entreprises pour soutenir l’écosystème français de l’IA et en faire l’un des premiers mondiaux : créer à court terme un fonds « France & IA » de 10 milliards d’euros ;
  3. Faire de la France et de l’Europe un pôle majeur de la puissance de calcul, à court comme à moyen terme : approvisionnement collectif sécurisé d’ampleur nationale et européenne, appel à projets d’implantation de centres de calcul avec garantie publique d’utilisation et simplification des procédures, crédit d’impôt IA pour l’entraînement de modèles ;
  4. Transformer notre approche de la donnée personnelle pour continuer à protéger tout en facilitant l’innovation au service de nos besoins : en matière de données à caractère personnel, modernisation du mandat de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après désignée « CNIL  ») et de son collège, suppression de certaines procédures d’autorisation préalable d’accès aux données de santé et réduction des délais de réponse ;
  5. Assurer le rayonnement de la culture française : mise en place de l’infrastructure technique favorisant l’entraînement des modèles d’IA dans le respect des droits de propriété intellectuelle ;
  6. Assumer le principe d’une « exception IA » dans la recherche publique pour en renforcer l’attractivité : libération des chercheurs des contraintes administratives, revalorisation de leur rémunération, doublement des moyens de la recherche publique spécialisée en IA ;
  7. Structurer une initiative diplomatique cohérente et concrète visant la fondation d’une gouvernance mondiale de l’IA : création d’une Organisation mondiale de l’IA pour évaluer et encadrer les systèmes d’IA, d’un Fonds international pour l’IA au service de l’intérêt général et d’un mécanisme de solidarité « 1 % IA » pour les pays en voie de développement.

Focus sur la recommandation n°15 : « Transformer notre approche de la donnée personnelle pour continuer à protéger tout en facilitant l’innovation au service de nos besoins »

Le rapport de la Commission recommande un accès facilité à des données massives, fiables et manipulables, un intérêt vital pour l’avancée de l’IA selon elle. Il recommande à cet effet de faciliter l’accès aux données à caractère personnel pour permettre leur utilisation dans des innovations thérapeutiques, notamment en supprimant certaines procédures d’autorisation préalable d’accès aux données de santé et en réduisant les délais de réponse de la CNIL.

En parallèle, le rapport suggère de réformer le mandat de la CNIL, afin d’y intégrer un objectif d’innovation ; d’ajuster la composition de son collège, afin d’élargir la palette de compétences y étant représentées (innovation, recherche ect.) ; et de renforcer ses moyens de fonctionnement. Plus largement il recommande de renforcer la coordination de l’ensemble des régulateurs intervenant dans le champ de la donnée et du numérique. Face à ces suggestions, la CNIL n’a pas manqué de réagir, rappelant, d’une part, ses actions menées en la matière (mise en place d’un service dédié, actions d’accompagnement etc.) et soulignant, d’autre part, que ces recommandations confirment le rôle important qu’elle doit jouer dans le succès de la stratégie proposée sur l’IA et qu’il appartient désormais au législateur de traiter la question de l’évolution de ses missions.

Au-delà, la Commission rappelle l’importance d’avancer vers une gouvernance collective de la donnée qui pourrait, à court terme, utiliser les marges de manœuvres juridiques offertes par le Règlement général sur la protection des données personnelles (ci-après désigné « le RGPD ») et, à long terme, mener à une évolution du cadre juridique qui prendrait mieux en considération l’évolution des modes d’utilisation des données. Le rapport recommande alors de développer des politiques et des infrastructures qui garantissent l’accès aux données tout en protégeant les droits des individus et la propriété intellectuelle. Cela comprend la promotion de l’open data gouvernemental, le soutien à la création de bases de données sectorielles, et la mise en place de cadres légaux pour le partage des données entre entités privées et publiques.

En définitive, le rapport de la Commission de l’IA est l’ébauche d’une stratégie ambitieuse pour consolider le rôle de la France dans le développement de l’IA. Il propose un plan d’action fondé sur la formation, l’innovation, les infrastructures, l’accès aux données, le soutien à la recherche et la coopération internationale et suggère une approche visant à la fois à maximiser les bénéfices de l’IA pour la société tout en adressant ses défis.

Jeanne BOSSI MALAFOSSE, associée, et Grégoire PETYT, stagiaire