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La télésanté au temps du Covid-19

Rappel du cadre de droit commun de mise en œuvre et de prise en charge des actes de télésanté

La télésanté regroupe, depuis la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, la télémédecine (articles L. 6316-1 et suivants du code de la santé publique) et le télésoin (article L. 6316-2 du même code).

La réalisation des actes de télémédecine doit se faire dans un cadre sécurisé et respectueux en particulier des référentiels de sécurité et d’interopérabilité visés à l’article L1110-4-1 du code de la santé publique et s’inscrire encore pour certains d‘entre eux dans le respect de cahiers des charges approuvés par arrêté ministériel.

En cas de recours à un hébergeur de données, l’article L. 1111-8 du code de la santé publique impose que celui-ci soit certifié sur le fondement d’un référentiel défini par l’Agence du numérique en santé et approuvé également par arrêté ministériel.

Sur la prise en charge par l’assurance maladie, l’avenant n°6 à la convention médicale du 25 août 2016, approuvé par arrêté du 1er aout 2018, indique que les actes de téléconsultation sont pris en charge par l’assurance maladie lorsque cumulativement :

(i) Le parcours de soin est respecté, à savoir : le patient est initialement orienté par son médecin traitant vers le médecin téléconsultant, à l’exception :

  • de la possibilité d’accéder directement à un spécialiste,
  • des patients âgés de moins de 16 ans,
  • des situations d’urgence,
  • des patients dont le médecin traitant est indisponible « dans un délai incompatible avec leur état de santé » ou qui ne disposent pas de médecin traitant qui ont alors la possibilité de se rapprocher d’une organisation territoriale ;

(ii) le médecin téléconsultant a déjà eu une consultation en présentiel avec le patient au cours des 12 derniers mois précédant la téléconsultation.

La prise en charge des actes de téléexpertise est également soumise à plusieurs conditions liées à l’état de santé et/ou à la situation géographique des patients et à la connaissance préalable du patient par le médecin requis.

Enfin, et avant la publication des textes dérogatoires, les acteurs étaient encore dans l’attente des modalités de droit commun de mise en œuvre et de prise en charge des actes de télésoin.

Quelles sont les dérogations actuelles justifiées par l’épidémie de Covid 19 ?

Ces dérogations sont apparues essentielles tant le recours à ce mode d’exercice pour les professionnels de santé apparaît incontournable en ces temps de confinement.

En premier lieu, et concernant la sécurité des données de santé, le décret n°2020-227 du 9 mars 2020 modifiant le décret n°2020-73 du 31 janvier 2020 portant adoption de conditions adaptées pour le bénéfice des prestations en espèces pour les personnes exposées au coronavirus indique en son préambule que les téléconsultations pour les personnes atteintes ou potentiellement infectées par le coronavirus « peuvent être réalisées en utilisant n’importe lequel des moyens technologiques actuellement disponibles pour réaliser une vidéotransmission (lieu dédié équipé mais aussi site ou application sécurisé via un ordinateur, une tablette ou un smartphone, équipé d’une webcam et relié à internet) ».

De surcroît, l’arrêté du 23 mars 2020 prescrivant les mesures d’organisation et de fonctionnement du système de santé nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (abrogeant les dispositions de l’arrêté du 14 mars 2020 qui avait été modifié par l’arrêté du 19 mars 2020), indique que les professionnels de santé qui assurent la prise en charge par télésanté des patients infectés ou suspectés d’infection covid-19 recourent à des outils numériques qui respectent la politique générale de sécurité des systèmes d’information en santé et la réglementation relative à l’hébergement des données de santé « ou, pour faire face à la crise sanitaire, à tout autre outil numérique ».

Concrètement, les solutions ainsi utilisées peuvent aujourd’hui se dispenser du respect des conditions d’authentification fortes des utilisateurs, du recours à un système de messagerie sécurisée ou à un hébergeur certifié de données de santé.

En deuxième lieu et les modalités de prise en charge des actes de télésanté, le décret n°2020-73 du 31 janvier 2020, modifié par le décret n°2020-227 du 9 mars 2020, a déverrouillé les conditions de prises en charge des actes de téléconsultation en permettant leur remboursement hors parcours de soins, lorsque le patient n’est pas en mesure de bénéficier d’une téléconsultation dans les conditions du droit commun, la téléconsultation s’inscrivant alors de façon prioritaire dans le cadre d’organisations territoriales coordonnées.

D’autre part, ce même décret permet également aux actes de téléexpertise d’être pris en charge, en dehors des conditions de droit commun ou de la limite du nombre de téléexpértises annuel.

Toujours concernant les actes de télémédecine, l’arrêté du 23 mars 2020 assouplit les règles de prise en charge des patients insuffisants cardiaques chroniques dans le cadre de l’arrêté du 11 octobre 2018 portant cahier des charges des expérimentations relatives à la prise en charge par télésurveillance. Peuvent désormais bénéficier d’actes de télésurveillance pris en charge les patients n’ayant pas été hospitalisé au cours des 30 derniers jours, ou au moins une fois au cours des 12 derniers mois.

Concernant le télésoin, le décret du 31 janvier 2020, modifié par le décret n°2020-277 du 19 mars 2020 permet, pour les patients infectés par le covid-19 (diagnostic posé biologiquement ou cliniquement) la prise en charge des actes de télésoin réalisés par un infirmier diplômé d’Etat en créant l’acte de télésuivi. Le télésuivi infirmier, défini par l’article 8 de l’arrêté du 23 mars 2020, « participe, sur prescription médicale, à la surveillance clinique des patients suspectés d’infection ou reconnus atteints du covid-19 ». L’arrêté précise que l’acte de télésuivi infirmier est ainsi possible sur prescription médicale et réalisé préférentiellement par vidéotransmission, mais, en cas d’impossibilité matérielle, peut être effectué par téléphone.

Le décret n°2020-277 du 19 mars 2020, modifiant le décret du 31 janvier 2020, permet également le remboursement de ces actes de télésuivi infirmier.

D’autre part, deux arrêtés sont venus compléter l’arrêté du 23 mars 2020 en autorisant également le télésoin, sous réserve de la réalisation en présentiel d’un premier soin par le professionnel, pour :

  • les actes d’orthophonie par videotransmission (arrêté du 25 mars 2020) ;
  • les activités d’ergothérapeute et de psychomotricien (à l’exception des bilans initiaux et des renouvellements de bilan), par vidéotransmission (arrêté du 14 avril 2020).

Enfin, l’arrêté du 23 mars 2020 instaure également la valorisation des actes de télémédecine réalisés par les sages-femmes (à hauteur d’une téléconsultation simple). L’arrêté du 14 avril 2020 indique à ce titre que la prise de des médicaments nécessaires à la réalisation d’une interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse peut être effectuée dans le cadre d’une téléconsultation avec le médecin ou la sage-femme.

A noter que, conformément à son article 3, les dispositions du décret du 31 janvier 2020 d’ores et déjà modifié plusieurs fois par des décrets subséquents, s’appliquent, à ce jour, jusqu’au 31 mai 2020 (contre le 30 avril 2020, initialement prévu). Cependant, les dispositions de l’arrêté du 23 mars 2020 relatives à la télésanté (modifié par l’arrêté du 14 avril dernier) s’appliqueront jusqu’au 11 mai 2020 (au moins).

Les conditions de prise en charge par l’assurance maladie des actes de télémédecine et de télésoin se trouvent ainsi bouleversées de façon temporaire pour permettre l’exercice de l’acte médical ou de soin dan le cadre du confinement.