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Crise de confiance

En réponse à l’affaire dite du « Médiator », le législateur français prend la plume et donne un nouvel exemple de son insoumission à son homologue européen...

L’étude d’impact, publiée en juillet 2011, nous apprend que 90 % des consultations médicales se terminent par une prescription et qu’il existe en France une sous-notification des effets indésirables liés à un produit de santé.

Fort de ces constats, et souhaitant « restaurer la confiance dans le système de sécurité sanitaire des produits de santé », le gouvernement propose 3 axes d’évolution : « la prévention des conflits d’intérêts et la transparence des décisions », la règle selon laquelle « le doute bénéficie systématiquement au patient » et enfin le « renforcement de l’information délivrée aux patients et aux professionnels de santé ».

Autour de ces trois axes, le projet de loi relatif au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé déposé le 1er août 2011 (qui fait l’objet d’une procédure d’urgence) aborde pêle-mêle la question de la transparence des liens d’intérêts, celle de la gouvernance des produits de santé, de l’autorisation de mise sur le marché, de la prescription, de la délivrance des médicaments de l’autorisation temporaire d’utilisation, de la pharmacovigilance, de l’information et de la publicité sur le médicament à usage humain, des logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance, des études en santé publique, de la publicité des dispositifs médicaux, du contrôle de la conformité des dispositifs médicaux aux spécifications techniques de la liste des produits et prestations remboursable en enfin de l’évaluation de certains dispositifs médicaux (GHS).

On peut s’amuser de constater qu’il eu fallu attendre 2011 pour que soit érigé au rang d’obligation le dépôt et l’actualisation des déclarations d’intérêts ou encore qu’il soit enfin proposé de qualifier d’illégale la décision prise par une commission où siège une personne ayant déclaré des liens d’intérêts. Voilà qui devrait contribuer à augmenter le nombre de mises en retraites anticipées d’un certain nombre de membres ou experts d’Agences...

Parmi bien d’autres propositions, et dans le double objectifs de (re)faire de la prescription hors AMM l’exception au principe et du renforcement de l’information à la destination du public et des professionnels de santé, il est proposé de rendre obligatoire la certification des logiciels d’aide à la prescription (LAP) et des logiciels d’aide à la dispensation (LAD) et d’encadrer la publicité des dispositifs médicaux (DM).

S’agissant des LAP et des LAD, l’option retenue par le projet de loi est de mettre à la charge des éditeurs une obligation de certification des LAP et LAD, au plus tard au 1er janvier 2015 concernant les premiers.

Ces mesures aboutiront à imposer une obligation de certification pour la vente du produit sur le territoire français.

En conséquence, comme le souligne l’étude d’impact, les décrets d’application devront être transmis à la Commission Européenne compte tenu du risque « d’incompatibilité avec le droit communautaire »... 

S’agissant de la publicité des DM, le projet de loi propose un encadrement plus spécifique selon deux axes : l’interdiction de la publicité des DM faisant l’objet d’une prise en charge par les organismes de sécurité sociale et la mise en place d’un régime d’autorisation préalable pour les DM « les plus sensibles » non remboursés.

Compte tenu de l’acception de la notion de publicité, qui est extrêmement large puisque définie par la directive européenne du 10 septembre 1984, relative à la publicité trompeuse, comme « toute forme de communication faite dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations », gageons que la CJUE s’intéressera de près à des telles mesures, si les propositions du projet de loi concernant notamment l’interdiction de publicité pour les DM remboursés devaient être entérinée.

En effet, il faut rappeler que la CJUE jugeait le 2 décembre 2010, la législation Hongroise, qui exigeait que les lentilles de contact soient vendues dans un magasin ou un local spécialisé permettant de mettre le patient en lien avec un spécialiste, trop restrictive, relevait notamment que cette réglementation « entrave la libre circulation en gênant l’accès au marché des autres États membres, alors que par ailleurs la protection de la santé des patients par la nécessité d’avoir accès à un opticien peut-être atteinte par des mesures moins restrictives » que l’interdiction subséquente pure et simple de la vente de tels produits par internet.

La protection de la santé publique a bon dos, mais point trop n’en faut !

Le texte doit être examiné par le Sénat (disposant de sa nouvelle majorité) les 26 et 27 octobre prochain. Sachant que les membres du groupe socialiste à l’Assemblée Nationale se sont, pour l’essentiel, abstenus de voter ce texte, voire pour certains, s’y sont opposés...attendons de voir ce révèlera la très probable commission mixte paritaire !