Rappelons qu’en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 1649 A du CGI, les personnes physiques, associations et sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, doivent déclarer, en même temps que leurs revenus ou leurs résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l’étranger.
En pratique, les personnes physiques titulaires d’un compte bancaire ouvert à l’étranger doivent donc chaque année joindre à leur déclaration de revenus un imprimé n°3916 indiquant les références de l’établissement bancaire étranger et les coordonnées du compte ouvert dans celui-ci.
Le premier alinéa du paragraphe IV de l’article 1736 du CGI prévoit quant à lui que les infractions aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 1649 A sont passibles d’une amende de 1 500 euros par compte non déclaré, et que ce montant est porté à 10 000 euros lorsque l’obligation déclarative concerne un État ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative.
Mais le plus important est le second alinéa du paragraphe IV de l’article 1736 qui, dans sa rédaction issue de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, prévoit que :
« Si le total des soldes créditeurs du ou des comptes à l’étranger non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 € au 31 décembre de l’année au titre de laquelle la déclaration devait être faite, l’amende par compte non déclaré est égale à 5 % du solde créditeur de ce même compte, sans pouvoir être inférieure aux montants prévus au premier alinéa du présent IV ».
C’est précisément la constitutionalité de cette amende de 5% applicable aux comptes étrangers de plus de 50 000 € que le Conseil constitutionnel a examiné.
La Haute Juridiction avait en effet été saisi le 18 mai 2016 par le Conseil d’État d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Le requérant faisait valoir que le défaut de déclaration d’un compte bancaire ouvert, utilisé ou clos à l’étranger en méconnaissance de l’obligation imposée par le deuxième alinéa de l’article 1649 A du code général des impôts est punissable de plusieurs amendes concurrentes, notamment celle prévue par les dispositions du paragraphe IV de l’article 1736 du code général des impôts et celle instituée par l’article L. 152-5 du code monétaire et financier. Dans la mesure où la première de ces amendes peut s’élever à 5 % du solde créditeur du compte non déclaré tandis que la seconde est une amende fixée de manière forfaitaire à 750 euros par compte non déclaré, le requérant faisait valoir qu’il en résultait une différence dans la répression encourue, méconnaissant de ce fait le principe d’égalité devant la loi pénale.
Sans s’attarder à ce grief, le Conseil constitutionnel a relevé d’office que cette amende de 5% est encourue même dans l’hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n’ont pas été soustraites frauduleusement à l’impôt.
Le Conseil constitutionnel en a immédiatement conclu qu’en sanctionnant d’une telle amende proportionnelle un simple manquement à une obligation déclarative, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu réprimer. Le Conseil constitutionnel a, en conséquence, déclaré contraires à la Constitution (sur le fondement de l’article 8 de la déclaration de 1789) les dispositions précitées du second alinéa du paragraphe IV de l’article 1736 du CGI.
Cette censure ne s’oppose toutefois pas à ce que les personnes concernées fassent l’objet de l’amende forfaitaire prévue par les dispositions du premier alinéa du même article.
Cette décision va évidement avoir des conséquences très importantes sur les dizaines de milliers de dossiers de régularisation d’avoirs étrangers actuellement en cours de traitement sur le fondement de la circulaire Cazeneuve du 21 juin 2013.
En effet la décision du Conseil prévoit qu’elle est immédiatement… « applicable aux amendes prononcées (…) qui n’ont pas donné lieu à un jugement définitif ou pour lesquelles une réclamation peut encore être formée ».
Cela signifie en pratique que l’amende proportionnelle ne peut plus être appliquée aux dossiers déposés au STDR (ou « cellule de régularisation ») mais non encore traités.
En revanche les dossiers de régularisation déjà traités pour lesquels la transaction a été signée et l’amende proportionnelle payée ne pourront vraisemblablement pas bénéficier de plein droit de cette décision, sauf à vouloir dénoncer la transaction (ce qui ne devrait présenter un intérêt que dans les cas où l’amende pour défaut de déclaration de compte à l’étranger représentait un montant plus important que les majorations de droit commun applicables en IR, ISF, etc.).
Il restait à déterminer le sort des dossiers traités mais non encore finalisés, c’est-à-dire ceux pour lesquels la transaction n’a pas encore été signée et/ou l’amende proportionnelle n’a pas encore été réglée par le contribuable.
Dans ce cadre le STDR a apporté les précisions suivantes :
En pratique seules les transactions qui n’ont pas encore été retournées signées au STDR par le contribuable peuvent faire l’objet d’une modification afin d’écarter l’application de l’amende de 5%.
En tout état de cause, cette décision du Conseil constitutionnel va non seulement réduire les recettes budgétaires estimées des dossiers de régularisation mais également, peut-être, convaincre les derniers contribuables retardataires à se manifester au plus-vite auprès du STDR pour régulariser leur situation en profitant de cette décision du Conseil constitutionnel tout en anticipant l’échange automatique d’informations qui arrive à grand pas.