Blog Droit public

Les fondements juridiques des mesures prises pour lutter contre le COVID-19

Le décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 a apporté des restrictions aux déplacements en France afin de lutter contre la propagation du virus COVID-19. En interdisant les déplacements justifiés par d’autres raisons que celles énumérées à son article 1er, ce texte réglementaire porte une atteinte indéniable aux libertés publiques, notamment aux libertés d’aller et venir et de réunion.

Cet acte réglementaire, dérogatoire au droit commun, a été pris sur deux fondements distincts : le code de la santé publique et les circonstances exceptionnelles.

Le code de la santé publique, à son article L. 3131-1 prévoit un régime d’exception, permettant au ministre de la santé de prendre en cas de menace sanitaire « toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps » afin de protéger la population.

La prise en compte de circonstances exceptionnelles n’est quant à elle pas propre au domaine de la santé publique, et découle d’une construction jurisprudentielle ancienne, développée par le Conseil d’État au sortir de la première guerre mondiale (CE, 1918, Heyries et CE, 1919, Dames Dol et Laurent). Ces décisions qualifient de justifiée l’extension des pouvoirs du gouvernement et de l’administration en dehors de tout texte législatif, dans le cas de circonstances revêtant un caractère de gravité, d’anormalité et d’imprévisibilité.

Il est ainsi reconnu une légalité spéciale en temps de crise, permettant au pouvoir réglementaire de prendre des actes dans le domaine normalement réservé à la loi, afin d’assurer la continuité des services publics et la protection de la population.

Le Premier ministre a par ailleurs pris le 23 mars 2020 un décret complétant les dispositions du décret du 16 mars.

Saisi d’un référé par le syndicat des jeunes médecins, le Conseil d’État avait en effet constaté l’ambiguïté de certaines dispositions du décret du 16 mars, à savoir les dérogations au confinement pour motifs de santé et pour « déplacements brefs à proximité du domicile », ainsi que le maintien du fonctionnement des marchés ouverts. La Haute juridiction administrative avait enjoint le Premier ministre et le ministre de la santé de prendre, sous quarante-huit heures, les mesures nécessaires afin de clarifier ces trois points (Conseil d’État, 22 mars 2020, n° 439674).

En complément des décrets du 16 et du 23 mars, la loi n° 2020-290 a été votée le 23 mars 2020, afin de permettre la mise en place d’un état d’urgence sanitaire, inspiré de la loi du 2 avril 1955. Elle inscrit dans le code de la santé publique la possibilité pour le conseil des ministres de décréter l’état d’urgence sanitaire, et de donner au Premier ministre la possibilité de prendre des mesures restrictives des libertés afin de faire face à une catastrophe sanitaire. La prolongation de cet état d’urgence au-delà d’un mois ne peut être autorisé que par la loi.

Elle permet en outre au gouvernement de légiférer par ordonnances dans de nombreux domaines, afin de faire face aux conséquences de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation. Vingt-cinq ordonnances ont été adoptées sur ce fondement lors du conseil des ministres du 25 mars 2020.